Le mode de vie des artistes

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BATEAU-LAVOIR, VAISSEAU AMIRAL DE LA PEINTURE.(le 19/07/1967, Photographe : Jack GAROFALO)

Si Montmartre est le quartier, demeuré dans la culture collective comme incarnant le mieux ce qu’a pu être la bohème artiste avant la 1ère Guerre Mondiale, un lieu tout particulièrement en résume toute la dimension à la fois d’indigence, d’insouciance matérielle, et d’ébullition créative : le Bateau Lavoir.

                            En même temps lieu de résidence et atelier, le loyer y est dérisoire : 15 francs par mois, alors que le salaire d’un ouvrier est de 5 francs par jour. Mais il y a ensuite sa structure : fabrique de pianos désaffectée, c’est un grand bâtiment de bois, tout en longueur, dans lequel il fait un froid glacial en hiver, une chaleur suffocante en été ; ne s’y trouve aussi qu’un seul point d’eau, une seule toilette, pour 25 occupants potentiels. On imagine aisément combien de tels lieux peuvent devenir vite irrespirables. Ce sont ces conditions, l’humidité de la charpente, les vapeurs de peinture et de térébenthine, la saleté du lieu, qui inspireront à Max Jacob ce surnom de “bateau-lavoir”, comme ces péniches en bois servant de lavoir et dans lesquelles pouvaient se respirer ces mêmes types d’odeurs mêlées. Cette vétusté s’accompagne d’une promiscuité forcée, si on pense notamment à Picasso et Max Jacob qui, par soucis d’économie, surtout pour le deuxième, partageront un temps la même chambre, où quand l’un dort l’autre travaille, à tour de rôle.

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Bateau-lavoir à Nogent-sur-Seine, au début du XXe siècle. Il semble monté sur une coque de flûte bourguignonne (Carte postale ancienne, coll.E.Berthault)

Au Bateau Lavoir se croisent alors des artistes français mais aussi beaucoup d’étrangers, italiens ou espagnols pour beaucoup. Ceux qui n’y résident pas viennent en ami, et le lieu devient celui d’échanges artistiques ; chacun vient avec sa culture, son vécu, avec l’amour fou pour l’art en commun, et la volonté franche de le bousculer, le renverser. C’est donc notamment de cette croisée des chemins qu’a été le Bateau Lavoir d’où vont découler plusieurs des avant-gardes qui changeront la face de l’art, comme le futurisme, le fauvisme, le cubisme, ou les innovations poétiques d’Apollinaire qui engendreront en partie le surréalisme. L’Art moderne peut se considérer presque né pour partie dans cette crasse et cette promiscuité.

KIM Bora

Sources :

Sources divers :                     

Média

Bohème-Max Jacob-Tête Bêche, ARTE : https://www.youtube.com/watch?v=62PSyuUOXIQ&w=560&h=315

La Bohème montmartroise

Octave Tassaert, Intérieur d’atelier, musée du Louvre © RMN-Grand Palais (Musée du Louvre) / Jean-Gilles Berizzi

La bohème c’est d’abord une idée de la marge, une vie précaire parce qu’on y est forcé ou qu’on l’a choisie, mais dans laquelle on retrouve une dignité en assumant une forme d’excentricité, de refus de la société “respectable” ou d’en respecter les règles, on s’y rêve en héros du quotidien pouvant atteindre une forme de “gloire rédemptrice”. C’est cette philosophie de l’existence qui guidera la plus grande partie des avant-gardes artistiques au XIXe siècle, dont l’une des premières figures sera Rimbaud.

Rimbaud (Ultissima Verba), Lettre de Delahaye à Verlaine, 1875, Bibliotheque Litteraire Jacques Doucet, Paris

Rimbeaud(Ultissima Verba), Lettre de Delahaye à Verlaine, 1878. Bibliotheque Litteraire Jacques Doucet, Paris.(Image tirée du site : www.herodote.net )

 On trouvait une dimension décadente dès le romantisme et la volonté pour ses artistes de s’abandonner pleinement à leurs passions au risque de l’autodestruction. Mais les romantiques n’étaient pas du tout des marginaux, au contraire des artistes, poètes et écrivains qui feront avancer l’art de leur temps à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle.

Dans un premier temps, le centre du Paris artistique, dans la continuité de ce romantisme, était le quartier de la Nouvelle Athènes, dans le 9ème arrondissement. Si le quartier n’a jamais été très “populaire”, il s’embourgeoise encore plus : loyers, boissons et prostituées affichent des tarifs de plus en plus prohibitifs, obligeant ses artistes, ceux en dehors des académies ou des normes littéraires conventionnelles et qui ne pouvaient donc vivre de leur art, à trouver une nouvelle terre d’asile : Montmartre.

Le quartier est alors comme un village isolé dans Paris, correspondant bien à leur idée de la marge, et les tarifs modiques des “produits de consommation courante” de la vie d’un artiste d’alors en feront très vite un lieu de fête, dans des nuits sans fin où l’alcool peut couler à flot sans crainte de ne pouvoir payer son loyer. En plus d’une vie bien moins chère qu’ailleurs dans la ville, poètes comme peintres peuvent trouver, dans ses paysages d’une campagne encore préservée, une inspiration.

Pissaro, Van Gogh, Toulouse-Lautrec, puis à leur suite Braque, Modigliani, Matisse et bien sûr Picasso seront, parmi bien d’autres, les bientôt célèbres habitants des lieux, croisés aussi bien dans leur atelier et résidence comme le Bateau Lavoir, que dans les cafés et cabarets dont les noms resteront dans la postérité, comme le Lapin Agile et le Chat Noir, lieux de débauche et de canaille.

Mais cette vie bohème ne durera pas pour tous. Ces artistes avant-gardistes, se vivant marginaux, vont en réalité très vite rencontrer leur temps. Picasso, Matisse, Braque, vont commencer à vendre, et même beaucoup. C’est que le monde de l’art est en ébullition et pas seulement à Montmartre, ailleurs dans Paris d’autres foyers d’avant-gardes apparaissent, comme La Ruche à Montparnasse, qui est l’équivalent pour ce quartier du Bateau Lavoir. Les marginaux sont plus nombreux qu’ils l’auraient pensé, leur influence dans la pensée de l’art s’est révélée vite explosive. Alors, embourgeoisés, loin des rêves de “gloire rédemptrice” dans la mort,  ils déménagent, fréquentent davantage des quartiers comme ceux du 15ème ou du 14ème arrondissement, insérés et acceptés dans la société.

La 1ère guerre mondiale achèvera de mettre fin à la bohème montmartroise. A l’issue de la guerre, les artistes, fidèles à ce propos au nomadisme de la vie bohème, changeront encore de foyer : ce sera, particulièrement, le quartier bien plus bourgeois de Montparnasse. Mais la fête, les excès, l’alcool, continueront de se vivre pleinement dans ces années d’entre les deux guerres qu’on appellera les “années folles”, années du surréalisme et de la consécration des artistes modernes, toujours excentriques, mais définitivement sortis de la marge.

KIM Bora

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